Différents types de bactéries
Différents types de bactéries

Les HE apparaissent comme une alternative ou un complément à la thérapeutique antiinfectieuse classique. De nombreuses études ont quantifié de manière objective leur efficacité, si bien qu’il est possible de dresser un bilan sur l’action des HE sur les infections bactériennes.

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Mesure de l’efficacité des HE

Afin de pouvoir comparer entre elles des données obtenues par différentes équipes de chercheurs, des paramètres précis ont été définis.

La Minimum Inhibitory Concentration (MIC)

C’est la concentration la plus basse d’un produit qui s’oppose à la croissance visible d’une bactérie.

La MIC d’un produit est obtenue en préparant des dilutions successives du produit dont on cherche à tester l’activité antibactérienne. Puis on inocule chaque solution avec la même quantité de bactéries à tester. Lorsque, après un temps d’incubation, le tube à essai reste transparent, cela signifie que les bactéries n’ont pas été capables de former des colonies. Lorsqu’il se trouble, c’est que les bactéries se sont développées.

Le tube à essai à la concentration la plus faible qui reste transparent après incubation de la bactérie, donne la MIC pour ce produit sur cet agent pathogène.

La minimum bactericidal concentration (MBC)

Il s’agit de la plus basse concentration en agent antibactérien requise pour éliminer une bactérie donnée (à 99,9%).

Elle est obtenue par dénombrement des bactéries sur milieu gélosé.

Plus la MIC et la MBC sont faibles, plus l’HE est efficace contre le germe testé.

Mode d’action des huiles essentielles sur les bactéries

Les huiles essentielles peuvent présenter une action cytotoxique sur les bactéries, en agissant sur plusieurs structures.

Mode d'action des HE sur les bactéries
Mode d’action des HE sur les bactéries

On peut résumer l’action des HE par deux catégories principales :

  • Dommages membranaires : en traversant la paroi bactérienne et la membrane plasmique, les composés aromatiques des HE perméabilisent la membrane et perturbent son fonctionnement. Par exemple, ils peuvent la rendre perméable aux protons et à divers ions, et inhiber la production d’ATP. A terme, cela peut aboutir à une lyse de la bactérie. Ils peuvent aussi réduire la fluidité membranaire, ce qui nuit au bon fonctionnement de la bactérie.
  • Dommages cytoplasmiques : les COV des HE peuvent déclencher une coagulation du cytoplasme et endommager les protéines et lipides qu’il contient.

Sensibilités des bactéries Gram+/Gram- aux huiles essentielles

Les bactéries GRAM+ sont plus sensibles aux HE que les Gram- (1). En effet, il semblerait que la membrane externe des bactéries Gram- étant rigide, riche en LPS et plus complexe, les molécules aromatiques des HE aient plus de difficulté à la traverser. En revanche, ce système extramembranaire complexe étant absent des bactéries Gram+, les composés aromatiques peuvent atteindre plus facilement la membrane plasmique, occasionnant ainsi une meilleure activité antibiotique.

Le Tableau ci-dessous illustre l’importance de la MIC dans la caractérisation de l’efficacité d’une huile essentielle sur une souche bactérienne (2).

Huile essentielleMicro organisme testéMIC
Origaninum vulgare
Escherichia coli
1600-1800 ppm
Origaninum vulgare
Staphylococcus aureus
800-900 ppm
Cinnamomum zeylanicum
Escherichia coli
4000 ppm
Cinnamomum zeylanicum
Staphylococcus aureus
500 ppm
Cinnamomum zeylanicum
Klebsiella pneumoniae
2000 ppm
Allium sativum
Escherichia coli
1500 ppm
Melaleuca alternifolia
Escherichia coli
Staphylococcus aureus
2500 ppm

Les principales huiles essentielles antibactériennes

Les huiles essentielles présentent de nombreux COV ayant une forte efficacité contre les bactéries. Les composés aromatiques les plus actifs contre les bactéries sont ceux qui sont situés dans la partie basse du triangle de Mailhebiau : les monoterpénols, les phénols, et les monoterpènes. Nous allons maintenant détailler leur mode d’action, et l’utilisation des HE qui en contiennent.

Composés antibactériens dans le triangle aromatique
Composés antibactériens dans le triangle aromatique

Les HE riches en phénols

Les phénols sont des composés aromatiques qui comportent une fonction alcool. Les huiles essentielles peuvent contenir 3 principaux phénols : l’eugénol (contenu dans l’HE de clou de girofle) est un phénol un peu spécial, le carvacrol (contenu dans l’origan compact et la sarriette par exemple) et le thymol (contenu dans le thym vulgaire à thymol). On remarque dans la figure ci-dessous que le carvacrol et le thymol ne diffèrent que par la position d’un groupement OH, alors que l’eugénol a une structure largement différente.

Ces trois phénols comptent parmi les molécules ayant la plus forte activité antibactérienne (3).

Structure chimique des principaux phénols
Structure chimique des principaux phénols

Carvacrol et thymol agissent en désorganisant la paroi bactérienne et la membrane plasmique, grâce à une interaction avec les protéines membranaires. Plus spécifiquement, le thymol semble perturber la production d’ATP par la cellule, en inhibant le cycle de Krebs, ce qui l’empêche de récupérer un fonctionnement normal après l’exposition au thymol (2).

De son côté, le carvacrol agit essentiellement sur la membrane plasmique, où il modifie la fluidité membranaire, et perturbe l’équilibre ionique de la bactérie (2).  Il a été démontré que le carvacrol est également efficace sur les bactéries Gram- (4).

L’eugénol, quant à lui, détériore la paroi cellulaire, entraine une lyse de la bactérie et inhibe le fonctionnement de certaines enzymes.

Action synergique

Si les composés isolés présentent une forte activité, ces mêmes composés, lorsqu’ils sont présents dans l’huile essentielle entière, peuvent avoir une activité supérieure : c’est ce qu’on appelle l’effet synergique.

Le Tableau ci-dessous illustre cette notion : par exemple, la MIC de l’origan compact est inférieure à celle du carvacrol isolé sur L. monocytogenes. De même, l’HE de clou de girofle est plus efficace sur L. monocytogenes que l’eugénol isolé.

Paradoxalement, cet effet n’est pas marqué sur E. coli, où les composés isolés sont plus efficaces que l’HE entière.

 MIC mesurée sur E. coli (ppm)MIC mesurée sur Listeria monocytogenes (ppm)
Carvacrol225 – 500375 – 5000
Origan compact (50% carvacrol – 12% thymol)
500 – 1200200
Eugénol500> 1000
Clou de girofle (80 % eugénol)400 – 2500200
Thymol225 – 450450
Thym à thymol (35% thymol)450 – 1250300

En terme d’action, le cinnalmaldéhyde (contenu dans l’HE de cannelle écorce) se comporte comme un phénol, bien qu’il n’en ait pas la structure chimique. Il est particulièrement efficace sur les bactéries alimentaires, ce qui l’indique spécialement pour les troubles du système digestif (diarrhées infectieuses).

Dans ce cadre, l’HE de cannelle écorce se marie parfaitement avec celle de clou de girofle (5), et constitue avec lui un duo de choc pour toutes les infections digestives ou déséquilibre de la flore intestinale.

Gros plan
Les précautions liées à l’utilisation des phénols Les phénols sont très efficaces contre les bactéries, mais présentent deux inconvénients majeurs :
  • Thymol et carvacrol sont probablement hépatotoxiques : à forte dose et pendant une période prolongée (plus de 10 jours), ils présentent une certaine toxicité pour le foie. Pour cette raison, il faut :
    1. Les proscrire chez les enfants, et les utiliser avec parcimonie chez les femmes enceintes.
    2. Ajouter dans la synergie des HE hépatoprotectrices (menthe poivrée, citron zeste, romarin à cinéole, romarin à verbénone…)
    3. Eviter une utilisation prolongée. Après un traitement d’attaque, il faudra envisager de basculer, en cas de besoin, vers d’autres huiles essentielles mieux tolérées (comme celles qui contiennent des monoterpénols).
  • Ils sont dermocaustiques : ils ne doivent pas être utilisés sur la peau, sauf s’ils sont très dilués (5% max) et sur une zone corporelle non sensible (éviter le visage ou les muqueuses). La voie orale, avec utilisation de gélules est la plus adaptée.

Les HE riches en monoterpénols

Les HE contiennent de nombreux monoterpénols, parmi lesquels on peut compter différents chémotypes issus du thym vulgaire (6). Le linalol (rencontré dans l’HE de thym à linalol ainsi que dans celle de bois de rose) le géraniol (rencontré dans l’HE de thym à géraniol, ainsi que dans le palmarosa ou le géranium) ou le thujanol.

Ces composés ont montré une très forte activité antibactérienne sur les bactéries Gram+. L’efficacité est moins importante sur les Gram-, mais est toujours significative.

Les HE riches en monoterpènes

Les monoterpènes se retrouvent majoritairement sur les HE issues d’agrumes zestes, ou des conifères. Parmi eux, on peut compter le limonène, le pinène, le terpinène…

Ces composés présentent une activité antibactérienne lorsqu’ils sont associés à d’autres molécules, comme les phénols ou les monoterpénols. Ils sont parfaits pour une diffusion aérienne (dans un nébuliseur), mais ne s’utilisent traditionnellement en voie interne ou cutanée qu’en synergie.

Bibliographie :

  1. Huang, D. F., Xu, J. G., Liu, J. X., Zhang, H., & Hu, Q. P. (2014). Chemical constituents, antibacterial activity and mechanism of action of the essential oil from Cinnamomum cassia bark against four food-related bacteria. Microbiology, 83(4), 357-365.
  2. Chouhan, S., Sharma, K., & Guleria, S. (2017). Antimicrobial Activity of Some Essential Oils—Present Status and Future Perspectives. Medicines, 4(3), 58.
  3. Sienkiewicz, M., Denys, P., & Kowalczyk, E. (2011). Antibacterial and immunostimulatory effect of essential oils. Int Rev Allergol Clin Immunol, 17(1), 40-44.
  4. La Storia, A., Ercolini, D., Marinello, F., Di Pasqua, R., Villani, F., & Mauriello, G. (2011). Atomic force microscopy analysis shows surface structure changes in carvacrol-treated bacterial cells. Research in microbiology, 162(2), 164-172.
  5. Burt, S. (2004). Essential oils: their antibacterial properties and potential applications in foods—a review. International journal of food microbiology, 94(3), 223-253.
  6. Schmidt, E., Wanner, J., Hiiferl, M., Jirovetz, L., Buchbauer, G., Gochev, V., … & Geissler, M. (2012). Chemical composition, olfactory analysis and antibacterial activity of Thymus vulgaris chemotypes geraniol, 4-thujanol/terpinen-4-ol, thymol and linalool cultivated in southern France. Natural product communications, 7(8), 1095-1098.
  7. https://arnaudgea.fr/produit/physiologie-et-huiles-essentielles/
Le mode d’action des huiles essentielles sur les bactéries

Un avis sur « Le mode d’action des huiles essentielles sur les bactéries »

  • 23/01/2022 à 15:18
    Permalien

    Bonjour, cet article m’a beaucoup intéressée. On m’a posé une prothèse de cheville en juin 2017. Peu a peu ma cheville a gonflé et en mars 2021, on m’a enlevé un kyste de 600ml, contenant des staphylocoques lugdunensis, et fait un lavage de la prothèse. J’ai eu droit à 3 mois d’antibiotiques à fortes doses, et ensuite du Keforal à vie. L’infectiologue me dit que cela laisse le germe en sommeil, mais ne le détruit pas, parce qu’il produit un élément qui le protège en le collant sur la prothèse. Un ami médecin aromathérapeute m’a prescrit un cocktail d’huiles essentielles, je crois énormément en l’efficacité de HE, et j’aimerai savoir s’il existe une possibilité de démontrer en laboratoire, leur efficacité sur un germe de ce type et sur cette substance qui le rend indestructible. J’ai demandé à l’infectiologue, mais évidemment, elle m’a dit « non », ce dont je me doutais. Merci de me donner votre avis.

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