De nombreux composés présents dans les HE influencent le fonctionnement des neurones. Certains auront une action neuroprotectrice, d’autres neurotoxique. Il est important de se rappeler que, si l’on insistera dans cet article sur les précautions à prendre avec certaines HE, elles présenteront aussi des vertus thérapeutiques qui pourront justifier leur utilisation (à adapter en fonction des huile choisies et du profil du patient).
1. Action neurotoxique de certains composés des HE
C’est le cas de certaines cétones, qui peuvent présenter une action convulsivante (1). Il a été observé que cette toxicité est décuplée chez les enfants, qui ne devront pas être exposés aux huiles essentielles contenant des cétones. Cependant, la toxicité de toutes ces molécules contenues dans les HE n’est pas équivalente (Figure 1).

Toxicité des cétones
Les HE à cétones présentent de très intéressantes propriétés thérapeutiques, mais nous insisterons ici sur leur impact, souvent négatif, sur les neurones.
Afin d’évaluer la toxicité de différentes cétones, il est possible de comparer leur DL50 (Dose létale 50% : dose suffisante pour tuer la moitié d’une population de rats). Plus la DL50 est faible, plus la toxicité est élevée.
Les résultats sont consignés dans le Tableau 1.
Tableau 1 : Quelques exemples de DL50 pour différentes cétones (2).
Cétone | DL50 (g/Kg) |
Thuyone | 0,2 |
Pulégone | 0,47 |
Carvone | 1,64 |
La DL50 est un paramètre intéressant pour comparer des toxicités de composés sur un organisme vivant, mais ce paramètre s’avère insuffisant pour évaluer précisément une toxicité sur les neurones. A cette fin, nous prenons en compte le nombre de cas de convulsions observés sur une population de rats en fonction de la dose administrée.
Exemples de cétones neurotoxiques
La menthone par exemple (une cétone présente dans l’HE de Mentha x piperita), s’avère neurotoxique chez le rat à une dose comprise entre 400 et 800 mg/Kg pendant 28 jours, alors qu’aucune toxicité n’a été observée à la dose de 200 mg/Kg (3).
La pinocamphone (présente dans l’HE d’hysope officinale Hyssopus officinalis, à ne pas confondre avec l’hysope couchée Hyssopus decumbens, riche en linalol, qui ne présente aucune neurotoxicité), la thujone (du thuya Thuya occidentalis ou de la sauge officinale Salvia officinalis), le camphre (présent dans l’HE de lavande stoechade Lavandula stoechas) ou la fenchone (HE de fenouil Fœniculum vulgare) présentent une toxicité assez élevée, avec des doses comprises entre 500 et 1000 mg/Kg capables de déclencher des convulsions chez 50% des rats testés (1).
HE de gaulthérie et salicylate de méthyle
L’huile essentielle de gaulthérie couchée (Gaultheria procumbens), en raison du salicylate de méthyle qu’elle contient, présente une action neurotoxique par voie orale. En cas d’overdose, elle peut provoquer la mort par arrêt cardio-respiratoire (4). Cette action n’a pas été mise en évidence par voie cutanée.
Le cas des Eucalyptus et du 1,8 cinéole
L’huile essentielle d’Eucalyptus globulus est connue pour ses propriétés convulsivantes (5). Burkhard et al. identifient le 1,8 cinéole comme responsable de ces effets. Pourtant, il est surprenant de constater que des cas de convulsions n’ont été observés qu’avec l’Eucalyptus globulus, mais pas avec l’Eucalyptus radiata. Or, ces deux espèces différentes contiennent autant de 1,8 cinéole (70% environ).
Ainsi, s’il semble logique de penser de prime abord que cette propriété peut être due à la présence du 1,8 cinéole, le composé majoritaire, il ne faut pas oublier que l’HE d’E. globulus, contrairement à celle d’E. radiata, contient des cétones à faible pourcentage (trans-pinocarvone, à moins de 5%). Il se pourrait que l’effet épileptogène soit donc du à la présence de cétones, et non à celle de 1,8 cinéole.
Au final, sur un total de 192 cas rapportés d’empoisonnement avec cette HE, seuls 4 ont donné lieu à des convulsions, uniquement chez des enfants (moins de 5 ans), exposés à des doses très élevées (comprises entre 10 et 30 mL). La mauvaise réputation de cette HE, au regard de ces données, semble donc relativement exagérée…
Utilisation thérapeutique des HE à cétones
Si les HE présentent une certaine neurotoxicité, elles ont également des actions thérapeutiques d’intérêt : elles sont fortement mucolytiques (elles fluidifient les sécrétions respiratoires), elles présentent un pouvoir cicatrisant et régénérant du tissu cutané et muqueux, elles sont lipolytiques (2)… Bref, il serait dommage de s’en passer par peur de leur « côté sombre » ! En respectant certains critères, il est possible de bénéficier de leurs bienfaits, tout en évitant leurs effets négatifs.
Tenir compte du profil du patient et de ses antécédents
Du fait de leur neurotoxicité et de leur abortivité, les HE à cétones doivent être utilisées avec la plus grande prudence (voire pas utilisées du tout) chez les femmes enceintes et les enfants de moins de 10 ans (2).
De même, il convient d’être vigilant chez des patients présentant des troubles neurologiques, actuels ou anciens (crises d’épilepsie, maladie de Parkinson, Alzheimer…)

Faire attention à l’inversion des effets des HE à cétone
La difficulté de l’utilisation des HE à cétones réside dans l’inversion des effets observés en fonction de la dose administrée (Figure 2).
Ainsi, si une dose relativement faible de cétone est plutôt stimulante, une dose plus élevée peut avoir un effet relaxant voire carrément dangereux en cas de surdosage (6) ! Evidemment, le diagramme de la Figure 2 est donné à titre indicatif, et doit être modulé en fonction du sujet, de l’âge et du type de cétones.
Adapter le dosage des HE à cétone
Le Tableau 2 donne des valeurs maximales théoriques d’utilisation pour les composés connus pour présenter une action neurotoxique.
Tableau 2 : Concentration maximale par voie cutanée et orale pour les principaux composés neurotoxiques (1).
Composé | Voie cutanée (%) | Voie orale (mg/Kg) |
Camphre | 4,8 | 2 |
Salicylate de méthyle | 5 | 5 |
Pinocamphone | 0,25 | 0,1 |
ß-pulégone | 1 | 0,5 |
Thujone | 0,25 | 0,1 |
A partir de ces données, il est possible d’extrapoler et définir une dose sécuritaire : M. Faucon propose de ne pas dépasser la dose de 75 mg par prise orale, 3 fois par jour, pour un adulte (2). Pour un enfant, la dose maximale est de 25 mg par prise, 2 à 3 fois par jour en fonction de l’âge.
Rappel
Les doses proposées ne s’appliquent pas aux cétones les plus toxiques, comme la pulégone contenue dans la menthe pouillot.
Les différentes voies d’administration des cétones ne présentent pas la même toxicité. Par ordre de toxicité décroissante, on a :
Voie orale > Voie anale > Voie vaginale et cutanée.
Les HE qui contiennent de grandes quantités de cétones et qui expriment une certaine toxicité sont interdites à la vente au public. La liste est ici : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000470070&categorieLien=id.
Ainsi, dans la mesure du possible, on ne dépassera pas 30% d’HE à cétones dans une synergie, et on essaiera de les remplacer par d’autres HE dépourvues de neurotoxicité. Ainsi, ces HE seront réservées aux cas sévères, qui justifient leur utilisation.
2. Action anticonvulsivante de certains composés des HE
Certaines HE présentent des propriétés qui protègent contre les convulsions, c’est-à-dire qu’elles peuvent neutraliser l’action d’huiles essentielles consulsivantes. Il semblerait que cette action s’exerce par une modulation de l’action de certains neuromédiateurs (stimulation du GABA, neuromédiateur inhibiteur, et inhibition du glutamate, neuromédiateur excitateur).
Voie orale
Les HE d’anis (Pimpinella anisum), d’estragon (Artemisia dracunculus), de thym à thymol (Thymus vulgaris CT thymol) ou celles qui contiennent du linalol (Thym à linalol Thymus vulgaris CT linalol, Bois de rose Aniba roseadora…) vont présenter une action protectrice contre les convulsions, par des mécanismes d’action différents (1).
Voie olfactive
En olfaction, les HE de lavande vraie (7) et de calament (Acorus calamus, riche en ß-asarone) (8) ont montré un effet protecteur sur certaines catégories de convulsions.
Important
Adapter la synergie
Lors de la conception d’une synergie, il sera important de ne pas dépasser 30% d’HE à cétones, et d’y adjoindre des HE anticonvulsivantes. Celles contenant du linalol, par leur action protectrice et leur innocuité (sauf allergies), seront à favoriser.
Références :
- Tisserand, R., & Young, R. Essential Oil Safety-E-Book: A Guide for Health Care Professionals. New-York : Elsevier Health Sciences, 2013.
- Faucon, M. Traité d’aromathérapie scientifique et médicale. Paris : Éditions Sang de la Terre, 2017. p. 989.
- Madsen, C., Würtzen, G., Carstensen, J. Short-term toxicity study in rats dosed with menthone. J.. Toxicol. Lett. 1986, Vol. 32, 1-2, pp. 147-152.
- McGuigan, M. A. A two-year review of salicylate deaths in Ontario. Arch. Intern. Med. 1987, Vol. 147, pp. 510-512.
- Burkhard, P. R., Burkhardt, K., Haenggeli, C. A., & Landis, T. Plant-induced seizures: reappearance of an old problem. Journal of neurology. 1999, Vol. 246, 8, pp. 667-670.
- Franchomme, P., Jollois, R., & Pénoël, D. L’aromathérapie exactement. Encyclopédie de l’utilisation thérapeutique des extraits aromatiques. Limoges : Édition Roger Jollois, 2001.
- Yamada, K., Mimaki, Y., Sashida, Y. Anticonvulsive effects of inhaling lavender oil vapour. . Biol. Pharm. Bull. 1994, Vol. 17, pp. 359– 360.
- Koo, B. S., Park, K. S., Ha, J. H., et al. Inhibitory effects of the fragrance inhalation of essential oil from Acorus gramineus on central nervous system. . Biological & Pharmacological Bulletin. 2003, Vol. 26, pp. 978– 9
J’ai une ménigiatose c’est à dire plusieurs méningiomes au cerveau mais ce n’est pas cancéreux ma question est: il y’a des He anti-convulsive il y en a deS He déconseillé pour mon cas merci
Bonjour Manon, a priori pas davantage de contrindications que pour un sujet sans méningiomes. Mais par précautions, je dirai d’éviter les HE à cétones. Bien à vous.
Les huiles essentielles contenant des cetones posent elles pb quand on les respire seulement (ex sur un inhalateur de poche ou en diffusion). Je pense notamment au romarin à cineole que le docteur JP Willem conseille en diffusion pour les personnes atteintes d alzheimer
Bonjour Pascale,
Le romarin à cinéole ne contient pas (ou peu) de cétones, donc pas de soucis ici pour l’inhalation.
En ce qui concerne votre question sur les HE à cétone et une éventuelle neurotoxicité par inhalation, il n’y a pas de risque si vous respectez une fréquence et une durée adaptée.
De plus, il faut savoir que les HE qui contiennent de grandes quantités de cétones particulièrement neurotoxiques ne sont pas en vente libre.
En particulier, quelle HE auriez-vous souhaitez faire respirer à une personne souffrant de la maladie d’Alzheimer ?
J ai utilisé il gtemps de l huile thuya sur une verrues sous le sein (2 gouttes ts les jours)
Depuis peu j ai une gène sous l aisselle, et des douleurs autour de cette verrue.
Y aurait il.une cause à effet?
Bonjour Marie-Paule,
L’HE de thuya est difficile à trouver en France car elle contient des cétones, molécules connues pour être neurotoxiques et abortives.
Elle présente également des propriétés « lytiques », qui pourraient l’indiquer dans le cadre de verrues.
Concrètement, bien que j’aurai conseillé d’autres HE pour cette indication, je ne pense pas que cette HE soit responsable de l’effet observé.
Bien à vous
Bonjour, j’ai pour habitude de placer dans un compartiment de ma machine a respirer, un bloc de camphre, pour son odeur agréable, je pensais efficace dans le cas de difficultés respiratoires, est-ce une bonne ou mauvaise pratique ?
Merci
Bonjour Daniel,
j’éviterai cette pratique : le camphre est une cétone (bornéone). En conséquence, il vaut mieux éviter la pratique que vous décrivez.
Arnaud
Bonjour,
J’ai un méningiome olfactif. J’aime beaucoup utilisé les HE. J’aimerais savoir si certaines HE peuvent favoriser la croissance de ce méningiome bénin qui ne croit pas depuis qu’il est sous surveillance. Merci beaucoup pour votre aide, je n’arrive pas à trouver l’information sur l’internet et je ne veux pas prendre de risque. MERCI MERCI MERCI
Bonjour Chantal,
Effectivement les HE peuvent avoir un effet sur le développement de tumeurs. Certaines HE (heureusement la majorité) seront totalement inoffensives.
tant que vous restez sur les HE les plus « basiques », c’est-à-dire en gros celles qui sont acceptables par les bébés dès 3 mois, vous ne risquez rien.
C’est simple : considérez-vous comme un « public fragile », et vous pourrez utiliser les HE sans problème.
Bien à vous
Arnaud